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page éditée le 10/05/03
dernière mise à jour : 10/05/03
l'invention de la route
super 8, 17, n&b et couleurs, son - 1999/2003
voix off : Olivia Chagué
texte de marion janin et colas ricard
Texte intégral de la voix off :
Le projecteur démarre
le film commence
il est question dun voyage
il est question dun film
un film sur un voyage
*
un film nest pas un voyage
un film est un film
*
tu voudrais partir, voyager
*
le projecteur tourne
ces mots glissent vers toi
tandis que la pellicule se déroule
tu es là, et tu nes pas là
tu écoutes le crépitement dans le haut parleur
tu te fabriques un son
tu regardes le scintillement des grains de lumière sur lécran
tu te fabriques une image
cette image et ce son se superposent, se mélangent :
tu penses
*
tu voudrais partir, voyager
aller voir le désert, le traverser
tu regardes
tu vois une route,
tu prends la route
*
tu crois voir un mouvement
les images se succèdent, rapidement
et toi tu vois un mouvement
une image qui bouge
cest ton regard qui bouge
cest ton corps qui frémit
tu pars
*
déjà tu es partis
tu roules
*
première étape, première nuit.
vent dans les hêtres
ocre des feuilles à terre
la mer au fond, brumeuse
vent froid
douceur.
*
Espagne,
une petite route de montagne
les montagnes rocailleuses
le froid, lhumidité sur la pellicule aussi
la brume comme un nuage tombé du ciel
le sentiment, oppressant, dêtre en route pour nulle part
*
la route est là
tu la sens physiquement,
tu es la route
ta chair se durcie, devient rugueuse
tu sens la matière même du sol
le bitume chaud et granuleux comme du sang dans tes veines
*
tu vois la matière en train de se dissoudre,
de se répandre
tu ne vois plus rien
tu es assis
tu regardes
tu écoutes
tu nas plus de corps
limage est dans ton il
tu es pur regard
tu es pensée
limage se matérialise en toi
et puis à nouveau tu prends corps
tu redeviens matière
*
Le sud,
enfin la chaleur, enfin le soleil.
lair est doux, il sèche toute lhumidité de tes habits,
de tes draps, et de ton corps*
Algésiras
tu embarques, vers le Maroc
*
tu roules
*
tu tarêtes
et déjà tu repars,
tu repars avec le soleil
*
tu rencontres des gens
des rencontres qui durent lespace dune soirée
qui ne durent pas
des rencontres baignées de départ imminent, de cette séparation attendue
cest peut-être ce qui donne à ces rencontres un aspect non superficiel, ce qui leur donne une intensité et une sérennité en même temps.
tu aurais voulu garder une trace de ces rencontres
tu nas pas su saisir loccasion
tu étais trop en prise avec le réel
*
lumière,
tu es au Sahara :
des cailloux,
des cailloux à perte de vue
la route est droite
lair est lourd
tu bois beaucoup
fatigue
*
le ciel trop vaste
rien
à perte de vue
une route rectiligne
parfaitement rectiligne*
la mer,
tu rencontres des pêcheurs :
Salama, Brahim, et Ahmed Mahmoud
ils tinvitent à rester un peu avec eux
ils partent pêcher pour te préparer le tagine
un gros tagine de poissons aux tomates, oignons, olives et raisins secs
ils vivent ici, leur vie est ancrée à cette terre, nourrie de cette mer
leur maison ? une cabane de bois, des couvertures, quelques nattes, de quoi faire le thé ou le tagine.
Salama parle le français, langlais, lallemand. Il connaît la politique de la France et Baudelaire. Il rêve de vivre en France.
*
la route à nouveau,
les pierres, le sable, la route
quelques arbres
la poussière, la route
le soleil
la substance se ramollit, les paysages se transforment
la poussière, la route
le temps devient lancinant, abstrait
quelques arbres
lespace
le repas dhier
une pierre
avec les pêcheurs
le thé
la route
fatigue
les idées se mélangent, fond des nuds
vide
*
le désert ?
de la poussière
du sable
des cailloux
de la poussière
tu vis dans la poussière
ta voiture est poussière
tu manges de la poussière
et toi aussi,
tu nes que poussière
homme de poussière
femme de poussière
*
Parfois,
tu te contente de contempler
laisser venir en toi le temps qui passe et rien dautre
*
le temps ne s'arrête pas en Afrique
il coule,
comme une rivière
*
ici tu as pensé que tu aimerais bien faire ce voyage avec quelquun
*
tu pense à tes amis
tu as des images de France - des choses idiotes :
un thé dans la cuisine alors que dehors il fait nuit et froid
aller acheter le pain : bonjour - bonjour, une baguette sil vous plaît
*
un village
des arachides, un thé, la douane,
et la faim qui monte avec la fatigue et la chaleur
tu as soif, tu as faim
tu as envie dune bière
la bière te monte à la tête
tu rêves peut-être
*
depuis si longtemps tu navais pas entendu un tel bruit deau,
qui recouvre tout
fraîcheur
tu ne roules plus
tu es arrivé
*
et puis dun coup ne plus savoir quoi faire
te retrouver inactif pas de route à parcourir, de voiture à charger, à décharger, pas de mécanique à vérifier, pas de campement à installer
la fatigue accumulée qui retombe dun coup
le vide
te réhabituer doucement, toccuper comme tu peux
te trouver quelque chose à faire
te réhabituer à ne pas rouler, ne plus être itinérant,
te dire que demain tu seras encore ici,
et puis le lendemain aussi
*
tu hésites
rester ici
repartir vers où ?
Cest idiot mais le froid te manques un peu : le froid qui revigore
*
tu décides de rester,
tu rentres
*
tu es là et tu nes pas là
tu es sur la route
quelque part
nulle part
tu es assis dans une salle,
tu regardes un écran,
tu nas pas bougé.
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